Une histoire de passionnés
Dans les Hautes-Alpes, la Durance permettait le transport des bois jusqu'à la Méditerranée sur 260 km navigables.
L'activité professionnelle millénaire de radelier, souvent oubliée par les historiens, donnait un métier aux haut-alpins de l'Embrunais, du Queyras et du Buëch.
Durant des siècles, les forêts domaniales de Durbon et de Boscodon et les forêts du Queyras fournissaient en sapins, épicéas et mélèzes les grandes agglomérations de Provence et les chantiers navals
de la Méditerranée, en particulier ceux du port de Toulon.
Des pièces de bois, liées les unes aux autres par des liens végétaux, constituaient le radeau et descendaient les eaux tumultueuses de la Durance, conduites par les radeliers, de vrais marins de
rivière.
L'avènement du chemin de fer, ses progrès et ses évolutions, ont fait disparaître petit à petit un métier ancestral.
Aujourd'hui le cours de la Durance a subi de nombreux aménagements avec notamment la création de la retenue d'eau artificielle de Serre-Ponçon.
Dans l'Embrunais, une poignée de passionnés a voulu se souvenir de ce beau métier tant associé aux Hautes-Alpes et a créé en 1993 la première association française de
radeliers, s'engageant à travailler à la réhabilitation historique du métier de radelier.
800 ans avant JC, les Grecs de Rhôdes utilisaient la Basse Durance pour la navigation commerciale. Cette activité se développa plus précisément avec les Romains, 200 ans après JC. Pendant 1 500 ans, il exista un groupement professionnel sur la Durance, ancêtres directs des radeliers. La navigation était un moyen de transport indispensable aux contrées alpines. La chute de l'empire romain freina l'activité jusqu'à l'agonie.
A partir du 12ème siècle, l'activité de radelier reprend pleinement pour achalander en bois d'œuvre et de charpente la Provence et ses cités urbaines. La demande va croissante avec le développement du pays, les bois haut-alpins jouissant d'une grande renommée, mais aussi des événements de l'histoire. Au 15ème siècle, lors de la destruction de Marseille par les troupes aragonaises, la Reine Yolande autorisa les Marseillais à couper tout le bois dont ils avaient besoin dans la forêt de Boscodon. A la même époque les chantiers navals de la Méditerranée avaient une forte demande de bois haut-alpin. Le département des Hautes-Alpes, par ses forêts de Boscodon et de Durbon, fournissait le sapin pour la mâture et les gréements. Le Grand Embrunais et le Queyras avec l'Ubaye assuraient la fourniture de nombreux mélèzes pour la fabrication des bordées et ponts de vaisseaux, mais aussi pour la réalisation de rames de galères
Les radeaux sur la Durance servaient aussi à transporter des marchandises, voire même parfois des passagers. Seuls les plus téméraires se risquaient à prendre ce mode de transport périlleux.
Il y eu des abus tant les besoins réels étaient disproportionnés par rapport au règlement. L'état de dégradation des forêts est évocateur. Pour exemple, la forêt de Boscodon qui au 17ème siècle connut une disproportion démesurée. En l'espace d'une dizaine d'années plus de 60 000 pièces de bois ont été coupées et transportées par flottage vers la Méditerranée alors que le règlement n'en autorisait la coupe de seulement 4 000 dans le même laps de temps.
Tout le bois vendu transitait par la Durance, seul moyen de transport rapide et efficace des régions alpestres, distantes de près de 260km des lieux d'utilisation. Le flottage a été longuement lié à des contraintes dictées par l'absence d'accès terrestre. Il fut réglementé très tôt, comme en témoignent certains écrits.
Au 17ème siècle, la Durance était la plus longue des rivières françaises à être classée flottable avec 256km ouverts aux radeaux entre St Clément et le Rhône auxquels il faut rajouter les 8 km entre le port de Gaboyer (ou Pont Rouge dans le Guillestrois) et St Clément où descendaient les radeaux de mélèzes et sapins en provenance du Queyras et à destination de Toulon ou Marseille.
La deuxième particularité de la Durance, après sa longueur, est sa rapidité. Par son dénivelé et son aspect conséquent en eau de fonte des neiges, elle est classée à régime torrentiel. Un classement dû à la Haute Durance, très étroite et très rapide ; sur la partie basse, après Sisteron elle devient plus large et moins rapide.
La distance importante de cette rivière alliée à une configuration très différente entre sa partie haute et basse forçait les radeliers de la Durance à une polyvalence de navigation. Il fallait trois à quatre jours, dans des conditions optima de navigation, pour rallier la Méditerranée depuis les Hautes-Alpes. Selon le volume de bois (entre 5 et 20 tonnes environ) et l'état de la rivière, la navigation était assurée par 2 ou 4 rames.
Contact
Association des Radeliers de la Durance
Denis Furestier
Le Petit Puy
05200 Embrun
04 92 43 32 81